Les étangs

La Société Royale « Les Naturalistes de Mons et du Borinage asbl » nous propose une découverte nature des étangs issus des anciennes carrières de phosphate.

La vision par satellite (Google Earth) du site des anciennes carrières, actuellement les étangs, est impressionnante. La dernière exploitation, dont l’activité est très relative, se situe à l’emplacement de la zone blanche (centre-gauche de l’image).

Le site vu par satellite.

I. Géologie.

A. Introduction.
Les phosphatières de Saint-Symphorien appartiennent à un gisement qui couvre au Sud de Mons les communes de Cuesmes, Ciply, Mesvin, Spiennes.

Localisation des gisements de phosphate.

C’est en 1873 que A. Briart et F.L. Cornet découvraient à Ciply la présence de grains de phosphates dans la craie. En 1874-1876, les premiers industriels se lancent dans l’exploitation de la craie phosphatée à Ciply et Cuesmes (Malogne). C’est en 1882 que débute l’exploitation du phosphate riche à Saint-Symphorien par la société Hardenpont, Maigret et Cie et en 1895 l’exploitation du gisement de Baudour découvert au cours de la même année.
La Craie phosphatée de Ciply et le Tuffeau de Saint-Symphorien appartiennent au dernier étage du Crétacé, le Maestrichtien (65-70 millions d’années).
La série géologique est, à Saint-Symphorien, assez différente de celle de la Malogne :
· absence du Tuffeau de Ciply; calcaire grenu, tendre, jaunâtre formant la base du Tertiaire;
· présence locale au-dessus de la craie phosphatée du Tuffeau de Saint-Symphorien; calcaire friable, jaune clair, quelque peu phosphaté et caractérisé par un petit brachiopode : Thecidea papillata;
· présence dans la Craie brune phosphatée de Ciply d’une couche parsemée de parties plus dures, les durillons, que l’on retrouve aujourd’hui en tas dans le bois d’Havré par exemple;
· partie inférieure à bancs de silex, plus pauvre en phosphate (5 à 6 % en P2O5) et qui passe d’une façon continue à la Craie de Spiennes (attribuée aujourd’hui au Campanien);
· la craie phosphatée est très riche en fossiles.

Le gisement de Saint-Symphorien fut étudié par A. Beugnies (1949). Il montre que le gisement est découpé par une série de failles et ce en suivant le décalage des bancs de silex ou des cordons de galets à la base du Tuffeau de Saint-Symphorien alors que l’exploitation souterraine était en cours. Le dessin ancien repris à l’illustration ci-dessous est un exemple de faille montrant le décalage du contact avec la Craie phosphatée.

Faille dans le gisement.

Au cours de ces dernières années S. Vandycke (1991) a montré que ces réseaux de failles sont liés à l’ouverture de l’Atlantique nord.

B. L’exploitation.
Les phosphates de Saint-Symphorien ont été exploités à ciel ouvert et souterrainement.
A ciel ouvert, on a exploité les phosphates riches (phosphate riche à teinte verte du Bois d’Havré).
L’exploitation souterraine se faisait en 1945-46 en trois étages à 20, 24 et 33 m. La méthode est celle par piliers abandonnés de 5 m sur 5 m de côté, les piliers servant de soutènement naturel. L’exploitation est ainsi découpée par un réseau de galeries perpendiculaires comme à la Malogne. L’évacuation se faisait par un puit approfondi en fin d’exploitation jusque 33 m. Le gisement étant situé sous le niveau de la nappe aquifère, l’exhaure était très importante (300 à 400 m3/heure). C’est ainsi qu’en fin d’exploitation tous les travaux ont été noyés y compris ceux de surface.

C. L’enrichissement de la Craie phosphatée.
En vue d’accroître la teneur en phosphate pour la commercialisation, la craie était lavée dans des unités permettant de séparer les grains de phosphate plus lourds et de craie plus légers (malheureusement beaucoup de grains mixtes ne pouvaient être séparés si bien que l’enrichissement était incomplet : 20 à 25 % de P2O5 maximum).

A Saint-Symphorien la craie était d’abord déversée sur une grille pour éliminer les rognons de silex. Les résidus de lavage, les Schlamms, ont été déposés dans des bassins de décantation. Ils contiennent encore des teneurs non négligeables de phosphates et ont été souvent réutilisés comme amendement phosphocalcaire. Les phosphates de chaux ont été utilisés pour la fabrication d’acide phosphorique et finalement d’engrais phosphatés. Après la guerre 40-45 les exploitations ont périclité sous la concurrence des phosphates d’Afrique du nord plus riches.

II. Biologie.

Vue sur le site des étangs.

C’est la présence de plantes rares et protégées, des orchidées, qui confèrent à ce site un intérêt biologique élevé. Cette richesse a été reconnue par les autorités wallonnes qui a inclus le site dans le réseau Natura 2000 (Vallée de la Haine en amont de Mons).

Autour des étangs, on rencontre une végétation exubérante parmi laquelle on peut observer : des massettes à larges feuilles (Typha latifolia), l’eupatoire chanvrine (Eupatorium cannabinum), le jonc épars (Juncus effusus), la laîche faux-souchet (Carex pseudocyperus),…

Les talus arborés proches des pièces d’eau accueillent notamment des orchidées comme la double-feuille (Listera ovata) et l’épipactis à larges feuilles (Epipactis helleborine). Plus rare, la néottie nid d’oiseau (Neottia nidus-avis) est également présente. Son nom fait allusion a ses racines enchevêtrées qui ressemblent à un nid d’oiseau. La néottie est une orchidée non chlorophylienne.

D’autres espèces d’orchidées sont présentes dans le site :
· l’orchis militaire (Orchis militaris), elle tient son nom de la forme en casque de ses pétales;
· l’acéras homme pendu (Orchis anthropophorum), c’est la silhouette humaine du labelle surmonté du casque qui est à l’origine de son nom;
· l’ophrys abeille (Ophrys apifera), son nom est une allusion à la forme, la pilosité, la couleur du labelle qui ressemble a une abeille. Cette pseudo abeille attire ses congénères mâles. L’insecte croyant avoir à faire à une femelle de son espèce s’agite et se couvre de pollen qu’il ira rapidement déposer sur une autre fleur.

Les orchidées fournissent une très grande quantité de minuscules graines (2 à 3 millions) extrêmement fines que le vent disperse.
Pour germer la graine a besoin du mycélium de champignons spécifiques.
La vie en symbiose avec les champignons est capitale pour les orchidées. Leurs racines n’ont pas la faculté de se procurer tous les éléments nutritifs. Les mycorhizes (organes résultant de la vie en commun d’une racine de plante avec le filament végétatif d’un champignon) suppléent à cette faiblesse.
Avant de s’épanouir, une orchidée terrestre peut demeurer de longues années (2 à 4 ans) réduite à une tige souterraine sans feuille.
Les orchidées sont des fleurs qu’il faut apprendre à examiner longuement pour les apprécier, elles constituent une part importante de notre patrimoine naturel.
Il est rappelé que les orchidées sont des plantes protégées (Arrêté royal du 16 février 1976 – Décret du 6 décembre 2001).
Cette protection implique l’interdiction de :
1° cueillir, ramasser, couper, déraciner ou détruire intentionnellement des spécimens de ces espèces dans la nature;
2° détenir, transporter, échanger, vendre ou acheter, céder à titre gratuit, offrir en vente ou aux fins d’échange des spécimens de ces espèces prélevés dans la nature;
3° détériorer ou détruire intentionnellement les habitats naturels dans lesquels la présence de ces espèces est établie.

BIBLIOGRAPHIE.

AUTEURS MULTIPLES 1998
Les orchidées de France, de Belgique et Luxembourg.
Société française d’Orchidophilie, 416p.

BEUGNIES, A.
Etude des procédés d’exploitation et d’enrichissement des produits naturels phosphatés du Hainaut pendant la guerre 1940-1945.
Travail de fin d’études, Faculté Polytechnique de Mons.

BEUGNIES, A. 1949
Le gisement de craie phosphatée de Saint-Symphorien.
Bull. Soc. belge de géologie, t 58, fasc. 1, 1949, 95-107.

DENDAL, A.; VERHAEGEN, J.P. 1985
Quelques observations d’orchidées dans le bassin de la Haine.
Les Naturalistes belges, 66, 6, 163-172.

HOUZEAU DE LEHAIE, J. 1923-1924
Les orchidées indigènes et l’avenir de leur hybridation.
Bulletin Les Naturalistes de Mons et du Borinage, Tome VI, II, (Décembre, janvier, février), 1923-1924, 16-18.

HOUZEAU DE LEHAIE, J. 1926
Note préliminaire sur la variation chez les Orchidées Belges.
Bulletin de la Société Royale de Botanique de Belgique, t. LIV, fasc. 1, 1926. (dans Bulletin Les Naturalistes de Mons et du Borinage, Tome VIII, III, Février, mars 1926, 72-…).

HOUZEAU DE LEHAIE, J. 1926
La germination des orchidées.
Bulletin Les Naturalistes de Mons et du Borinage, Tome VIII, III, (Février, mars 1926), 71-72.

HOUZEAU DE LEHAIE, J. 1930-31-32
Allocution présidentielle. Assemblée générale du 26 décembre 1930. Essai de synthèse de la variation chez les orchidées indigènes en Belgique.
Bulletin Les Naturalistes de Mons et du Borinage, Tomes XIII et XIV, Années sociales 1930-31 et 1931-32, 206-209.

LECLERCQ, F.; BOUKO, Ph. 1985
La Malogne.

VANDYCKE, S.; BERGERAT, F.; DUPUIS, C. 1991
Meso-cenozoic faulting and inferred paleostresses in the Mons Basin, Belgium.
Tectonophysics, 192, pp 261-271.

Textes de la présente rubrique écrits par : 
J.M. Charlet – Professeur Emerite, pour les aspects géologiques ;
A. Dendal – Présidente de la Société royale « Les Naturalistes de Mons et du Borinage asbl », pour les aspects biologiques.

Jonc épars (Juncus effusus).
Laîche faux-souchet (Carex pseudocyperus).
Epipactis à larges feuilles (Epipactis helleborine).
Néottie nid d’oiseau (Neottia nidus-avis).
Orchis militaire (Orchis militaris).
Ophrys abeille (Ophrys apifera).
Acéras homme pendu (Orchis anthropophorum).

©Texte de Bernard Detry